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CHAPITRE III

LA CLINIQUE SUBJECTIVE


Passer de l’examen des autres au retour sur soi-même, c’est évidemment restreindre son champ d’enquête, mais, en revanche, c’est incomparablement gagner en pénétration d’analyse et puissance d’expression.

Hypéracuité d’une part, plus grande intensité de vie de l’autre, ces deux qualités communes à toute introspection s’exaspèrent ici du fait qu’il s’agit d’introspection douloureuse.

Car la douleur — surtout mentale — est aiguisante et féconde, elle affine le cerveau qu’elle épreint, l’évade pour un instant de sa médiocrité.

« Est-ce curieux, notent les de Goncourt à propos de Belot, est-ce curieux : cet homme qui, dans la souffrance, a des sensations distinguées, assaisonnées de remarques et de réflexions presque littéraires, lorsqu’il écrit est absolument dénué de littérature et ne se doute pas du tout de ce qui fait la beauté d’un livre »[1].

  1. Chronique médicale, 1896, 15 février, p. 100.