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ment resté malgré les incursions médicales les plus avancées[1], si les nouveaux savants, fiers du titre arrogé, n’en avaient immédiatement tiré les conclusions suivantes :

« Aujourd’hui que le roman s’élargit et grandit, qu’il commence à être la grande forme sérieuse, passionnée, vivante de l’étude littéraire et de l’enquête sociale, qu’il devient par l’analyse et la recherche psychologique l’histoire morale contemporaine, aujourd’hui que le roman s’est imposé les études et les devoirs de la science, il peut en revendiquer les libertés et les franchises »[2], et treize ans plus tard, Edmond de Goncourt insistait encore : « Ces libertés et ces franchises, je viens seul, et une dernière fois peut-être, les réclamer hautement et bravement pour ce nouveau livre écrit dans le même sentiment de curiosité intellectuelle et de commisération pour les misères humaines »[3].

Il va nous suffire, pour justifier notre actuelle étude, de renverser presque symétriquement les termes. Puisque, dirons-nous donc, la technique de toute une école littéraire s’est réclamée des « libertés et des franchises » de la science, et en particulier des droits du médecin, il n’est pas déplacé à la science médicale d’apprécier la mesure dans laquelle cette école a tenu ses promesses, compris ses devoirs professionnels, conduit ses investigations cliniques, justifié, enfin, les droits arrogés.

C’est ce que nous allons tenter d’évaluer.

Notre étude pivotera tout entière autour du document humain (pathologique) et comprendra l’analyse :

1o Des qualités nécessaires à la recherche de ce document humain.

  1. Quels que soient les matériaux exploités (science, médecine), l’art renferme suffisamment d’éléments irréductibles, pour échapper à une analyse actuellement complète.
  2. Edmond et Jules de Goncourt, Préface de Germinie Lacerteux, 1864.
  3. Edmond de Goncourt, Préface de La Fille Élisa, 1877.