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M. Vanderk père.

Enfin, vous avez eu dispute.

M. Vanderk fils.

L’histoire n’est pas longue. La pluie qui est survenue hier m’a forcé d’entrer dans un café. Je jouais une partie d’échecs : j’entends à quelques pas de moi quelqu’un qui parlait avec chaleur… Il racontait je ne sais quoi de son père, d’un marchand, d’un escompte de billets ; mais je suis certain d’avoir entendu très-distinctement : « Oui, tous ces négociants, tous ces commerçants sont des fripons, sont des misérables ! » Je me suis retourné, je l’ai regardé : lui, sans nul égard, sans nulle attention, a répété le même discours. Je lui ai dit à l’oreille qu’il n’y avait qu’un malhonnête homme qui pût tenir de pareils propos : nous sommes sortis ; on nous a séparés.

M. Vanderk père.

Vous me permettrez de vous dire…

M. Vanderk fils.

Ah ! je sais, mon père, tous les reproches que vous pouvez me faire : cet officier pouvait être dans un instant d’humeur : ce qu’il disait pouvait ne pas me regarder : lorsqu’on dit tout le monde, on ne dit personne ; peut-être même ne faisait-il que raconter ce qu’on lui avait dit, et voilà mon chagrin, voilà mon tourment. Mon retour sur moi-même a fait mon supplice : il faut que je cherche à égorger un homme qui peut n’avoir pas tort. Je crois cependant qu’il l’a dit parce que j’étais présent.

M. Vanderk père.

Vous le désirez : vous connaît-il ?

M. Vanderk fils.

Je ne le connais pas.