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l’un et l’autre avec le lait maternel, et la morale relâchée de ceux qui ont fait le catholicisme à leur image était incapable de lui imposer, à trente-deux ans, le sacrifice nécessaire…

Oui, mon cher Fournel, en Bretagne tous les cœurs biens nés sont amoureux dès l’enfance. L’amour, au pays de Marie et de Pêcheur d’Islande, est aussi indispensable à la vie de l’âme que le pain à la vie du corps. Tout petits, on nous berce avec des chansons dont l’amour est le thème unique ; c’est sur les bancs du catéchisme que s’ébauchent les premières idylles, et, la mer et le ciel aidant, — la mer grise sous le ciel brumeux, — vers la seizième année les passions naissantes nous plongent dans des rêveries sans fin. De là notre fonds de mélancolie naturelle, car il n’y a pas d’amour sans trouble et sans chagrin. Et voilà pourquoi aussi, dans l’espèce de prison où son père l’avait pour ainsi dire emmuré à Combourg, Chateaubriand s’éprit d’abord de sa sœur Lucile. Il n’y a qu’une chose qu’il n’ait pas connue en amour, c’est la fidélité — vertu si bretonne pourtant, que sa ville natale s’en est fait une devise : Semper fidelis, lit-on sur l’écusson de Saint-Malo. Mais de cela encore il ne faut pas lui faire un grief trop sévère : il tenait de sa caste sa belle inconstance. C’était un vieux reste de chevalerie, la noblesse