autres hommes, & ils y abordent quelques fois En effet Madame, adjouſtay-je en rougiſſant, mon naufrage vous doit aprendre que les Pirates ne ſont pas touſjours parmi les flots. Vous vous donnez la un nom, die elle, qui convient ſi peu avec voſtre converſation, que je ne penſe pas qu’il vous apartienne. J’advoüe, luy dis-je, que je ne l’ay pas touſjours porté, & que meſme je ne l’ay pas pris : mais puis que les Peuples me l’ont donné, je le garderay juſques à ce qu’il plaiſe à la Fortune de me l’oſter. C’eſtoit de cette ſorte que j’entretenois la belle Alcionide, lors que toutes ces Dames qui eſtoient chez elle s’en allant, me firent apercevoir que ma premiere viſite avoit eſté aſſez longue : ſi bien qu’apres avoir fait un grand compliment a Phedime, & avoir obtenu d’elle la permiſſion de la voir, tant que je tarderois a Gnide, je m’en retournay a mon logis : mais ſi eſperdûment amoureux, qu’on ne peut pas l’eſtre davantage. Leoſthene qui s’eſtoit trouvé aupres d’une perſonne aſſez ſtupide, ſe pleignit en raillant de la longueur de ma viſite : mais j’avois l’eſprit ſi occupe de ma nouvelle paſſion, que je n’entendis pas trop bien ce qu’il me diſoit, & que je n’y reſpondis pas auſſi trop à propos. Jugeant donc par mes actions, que je voulois eſtre ſeul, il me quitta : & fut s’informer ſur le Port, ſi l’on ſongeoit a tout ce qui eſtoit neceſſaire pour racommoder mon Vaiſſeau, où il y avoit a travailler pour plus de trois ſemaines.
Je ne fus pas pluſtost en liberté, que me ſouvenant de la forte reſolution que j’avois priſe en allant chez Alcionide de ne l’aimer point : je voulus me demander a moy meſme, ſi j’eſtois libre ou eſclave ? Je conſultay donc mon cœur & ma raiſon là deſſus : mais