faite. Neantmoins il en uſa avec une moderation extréme : & quand on luy auroit fait grace, & qu’on ne luy euſt pas ſeulement rendu juſtice, il n’euſt pû faire que ce qu’il faiſoit. Car parlant à tous ceux qui s’aprochoient de luy, le Roy vous a pardonné, leur diſoit il, c’eſt pourquoy loüez ſa bonté : & reſolvez vous à vous en rendre dignes, par quelque belle action à la guerre d’Armenie, où il nous menera bien toſt. Cependant le Roy d’Hircanie, & tous ces autres Princes qui eſtoient demeures dans la Ville le ſalüerent, & luy teſmoignerent leur joye : en ſuitte de quoy ayant aſſemblé tous les Chefs, il leur commanda de remener l’Armée au Camp à l’heure meſme : & de ne laiſſer plus dans la Ville que ce qui avoit accouſtumé d’y eſtre. Un moment apres, le Roy luy envoya ordre de changer les Gardes du Chaſteau ; car pour ceux des portes de Sinope, ils avoient tous peri quand la Ville avoit eſté emportée : de ſorte que remettant Andramias en ſa charge, l’on oſta les Soldats que Metrobate avoit mis dans le Chaſteau, dont le nombre n’eſtoit plus gueres grand : à cauſe qu’il s’en eſtoit ſauvé une partie aveque luy. Cyrus ordonna auſſi qu’on le cherchaſt avec ſoin : maiſon le fit inutilement. Ce Prince fut en perſonne à la principale porte de la Ville, voir filer toute l’Armée : afin qu’en voyant toutes les Troupes les unes apres les autres, il peuſt mieux leur recommander leur devoir : Or comme il eſtoit aimé, craint, & reveré de tous les Soldats, ils luy obeïrent ſans murmurer : & s’en retournerent auſſi glorieux, que s’ils euſſent gagné une Bataille : & auſſi contens que s’ils euſſent eſté chargez de butin. En trois heures la Ville fut tranquile ; & toute l’Armée en fut dehors, à la reſerve des Troupes neceſſaires
Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/53
Cette page n’a pas encore été corrigée