moy meſme, pour le chaſſer de mon cœur. Cependant comme elle ne trouvoit point tout à fait lieu de le convaincre, ny auſſi de le juſtifier ; elle ne pouvoit regler ſes propres deſirs. Elle euſt bien ſouhaité, pour pouvoir revoir Spitridate que Pharnace l’euſt pris, & l’euſt : ramené à Heraclée : mais ne sçachant pas comment il y ſeroit traité, il y avoit des momens, où elle faiſoit des vœux pour la fuitte de ce Prince : & où elle deſiroit qu’il ne peuſt eſtre repris, & qu’il vainquiſt pluſtost Pharnace, que d’eſtre vaincu par luy. Car enfin, me diſoit elle, que Spitridate ſoit innocent ou coupable, je ſouhaite de tout mon cœur, qu’il ne retombe pas entre les mains du Roy mon Pere. Elle me donna alors commiſſion de m’informer ſi Spitridate avoit me né tout ſon Train : & je sçeus qu’il n’y avoit pas un de ſes gens aveques luy : & que le Prince Sinneſis & le Prince Aryande avoient fait arreſter les plus conſiderables d’entre eux : qui diſoient tous ne sçavoir rien du deſſein d’Arſamone : & qui aſſuroient meſme que leur Maiſtre n’en avoit rien sçeu ; parce qu’effectivement il avoit appellé ſes gens pour ſe mettre au lit, lors qu’Arſamone l’avoit envoyé querir. Neantmoins quoy que cela fuſt une conjecture aſſez forte pour le juſtifier dans l’eſprit de la Princeſſe : comme le Prince Sinneſis & le Prince Aryande eſtoient preoccupez ; ils luy dirent tant qu’aſſurément Spitridate sçavoit la choſe : que ſi elle ne le creut, du moins ſon ame demeura t’elle incertaine, entre ce qu’ils luy diſoient, & ce qu’elle ſouhaitoit qui fuſt vray.
Cependant le Roy revint à Heraclée : mais ſi irrité contre Arſamone, qu’on ne le peut davantage : & quand il venoit à penſer, que ce