Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/371

Cette page n’a pas encore été corrigée

ne le dire point du tout, reprit la Princeſſe, ſe on n’eſt du moins bien aſſuré de n’eſtre pas haï. Et à quoy le peut on connoiſtre ? repliqua t’il ; à cent choſes, dit la Princeſſe Ariſtée : mais Pharnace, adjouſta t’elle, avez vous quelqu’un de vos Amis qui ait beſoin de cét eſclaircissement ? Ouy Ma dame, dit il, & ſe la Princeſſe Araminte (pourſuivit il encore en changeant de couleur & en la regardant) n’euſt dit ce qu’elle vient de dire, une des plus belles Perſonnes du monde, auroit eu cette importunité dans peu de jours : & un des plus fideles Amans de la Terre, auroit ſans doute eſté mal reçeu. Peut-eſtre, adjouſta la Princeſſe, que cette Belle dont vous parlez, n’eſt pas de la meſme humeur que je ſerois, ſi j’eſtois d’une condition à eſtre expoſée à de ſemblables avantures : pardonnez moy Madame, repliqua t’il, & ſi je vous l’avois nommée, vous en tomberiez d’accord. La Princeſſe Araminte qui s’eſtoit deſja aperçeuë à cent choſes, de la paſſion que Pharnace avoit pour elle, entendit aiſément ce qu’il vouloit qu’elle entendit : mais quoy qu’il agiſt plus ſagement qu’Artane, elle ne laiſſa pas de s’en faſcher : & elle fut tout le reſte du jour de mauvaiſe humeur.

Le ſoir au retour de la chaſſe, le Prince Sinneſis qui eſtoit deſesperé de la rigueur de la Princeſſe Ariſtée, vint voir Araminte : & l’entretenant en particulier, il ſe reſolut d’avoir recours à ſes ſoins aupres d’Ariſtée, & au pouvoir qu’il sçavoit bien qu’elle avoit ſur Spitridate. Ma Sœur, luy dit il, ne voulez vous point avoir pitié de moy ; & ne ſerez vous pas aſſez bonne pour me rendre office aupres de l’impitoyable Ariſtée ? Si j’avois pour elle une paſſion qui ne fuſt pas innocente, je ne vous demanderois par voſtre protection :