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ay pû, ſans me mettre au hazard d’eſtre deſcouvert, quelle ſorte de beauté eſt celle de cette Dame : & j’ay trouvé par tout ce que l’on m’en a dit, que ce doit eſtre la Princeſſe. Car on m’a aſſuré qu’elle eſt blonde, blanche, de belle taille ; & qu’elle a l’air fort modeſte. Outre cela j’ay encore remarqué moy meſme, que le jeune Prince Phraarte, frere du Prince Tigrane, qui eſt demeuré malade à la haute Armenie, y va tous les jours peu accompagné : de ſorte qu’il eſt aiſé de s’imaginer qu’il faut qu’il y ait quelque perſonne d’importance en ce lieu là. De plus, je vous diray qu’eſtant un jour allé à ce Chaſteau, avec un Marchand d’Artaxate, de qui j’avois gagné l’amitié par quelques petits preſens ; afin qu’il trouvaſt les moyens de m’y faire entrer, ſur le pretexte de le voir par curioſité : j’entray effectivement juſques dans la premiere Court : & j’euſſe aſſurément veû tout ce Chaſteau, & tous les Jardins, & par conſequent bien veû la Princeſſe : ſi par malheur le Prince Phraarte ne fuſt arrivé dans ce temps là. Mais à peine sçeut on qu’il venoit, qu’on nous fit cacher, parce qu’il y a deffence expreſſe de laiſſer entrer perſonne. Comme il fut entré dans le Chaſteau, on nous fit ſortir en diligence : neantmoins en repaſſant par un endroit de la baſſe Court, je vy ce meſme Prince à un Balcon, qui entretenoit une Dame : qui me parut eſtre la Princeſſe Mandane : du moins à ce que j’en pus juger en un moment, & d’aſſez loing, ne luy voyant qu’un coſté de la teſte, & ne pouvant bien voir diſtinctement que la couleur de ſes cheveux & ſa taille. Voila Seigneur tout ce que j’ay appris de la Princeſſe, & tout ce que j’en ay pû apprendre : car depuis cela on n’a plus