liberté ? Cruelle Amie, luy dit elle, ne me preſſez pas tant je vous en conjure : & ne me forcez pas de vous dire ce que je n’oſerois penſer ſans rougir. Contentez vous que je vous aſſure ſeulement, que l’amour & la haine ſont deux paſſions tiranniques, qui ſe moquent ſouvent de la raiſon & de la prudence : & tout ce que je puis vous dire, c’eſt que je ne combatray point l’averſion que j’ay pour Philocles, parce qu’elle ne me peut cauſer aucun malheur, & que je combatray l’inclination que j’ay pour Antigene, parce qu’elle pourroit m’eſtre nuiſible. Voila comme cette converſation ſe paſſa, que je ne sçeus que long temps depuis :
cependant nous eſtions tous les jours chez la Princeſſe, où toutes les Dames ſe rendoient : mais entre les autres, Steſilée qui eſtoit ſans doute une fort belle Perſonne, y eſtoit tres aſſiduë. Cette fille avoit de l’eſprit, mais un eſprit jaloux & envieux, qui euſt voulu qu’elle euſt eſté ſeule belle en toute la Terre. Neantmoins j’avois le cœur ſi remply de Philiſte, que je ne m’apercevois pas des choſes les plus viſibles ; de ſorte que ſans sçavoir que cette fille ne pouvoit ſouffrir la gloire de ſa Rivale en beauté, je luy parlois quelqueſfois. Comme elle eſt adroite & ſpirituelle, voulant m’oſter à Philiſte, ou du moins faire croire au monde qu’elle m’avoit effectivement aſſujetti ; elle commença à me faire la guerre de ma paſſion. En ſuitte à me pleindre ; à blaſmer l’incivilité de Philiſte pour moy, & ſon indulgence pour Antigene. Enfin elle conduiſit la choſe avec tant d’art, que ſa converſation me devint agreable, & neceſſaire pour me conſoler. Je luy découvris alors le fonds de mon cœur : je luy montray toutes mes foibleſſes : je la conjuray de me donner part à ſon amitié : je luy demanday