occupations : & paſſant d’un diſcours à l’autre, elle eut la civilité de me dire, durant qu’Antigene parloit à d’autres Dames, qu’elle commençoit de me reconnoiſtre : & qu’elle ſe vouloit un grand mal de ce qu’elle avoit pû douter un moment lequel d’Antigene & de moy eſtoit Philocles. Mais, me dit elle, pour me punir de cette faute, je veux voir ſi une belle Corinthienne que nous avons icy, & qui ſe pique aveque raiſon d’avoir l’eſprit fort eſclairé, vous connoiſtra ſans qu’on le luy die. Car ſi cela arrivé, je ſeray punie de mon erreur. & s’il n’arrive pas, j’en ſeray du moins conſolée. Je reſpondis à cela comme je devois : mais elle ſans m’eſcouter, envoya sçavoir de la ſanté de Philiſte : & luy demander pourquoy elle ne la voyoit pas ce jour là. Celuy qui eut ordre d’aller faire ce meſſage s’en eſtant aquité, revint luy dire à demy bas, mais non pas tant que je ne l’entendiſſe bien : que Philiſte la remercioit tres humblement de la grace qu’elle luy faiſoit : que ſi elle ne ſe fuſt pas trouvée un peu mal, elle auroit eu l’honneur de la voir : mais que ſon Miroir ne luy ayant pas perſuadé le matin qu’elle fuſt en eſtat de faire des conqueſtes, elle ne la verroit point qu’elle n’euſt mieux dormi. Cette Princeſſe ſe mit à rire de ce meſſage : certainement (dit elle en parlant à une Dame, nommée Steſilée, qui eſtoit alors aupres d’elle) Philiſte eſt admirable : & abaiſſant la voix, elle luy dit en peu de mots le meſſage qu’on luy venoit de faire de ſa part, & ce qui l’avoit cauſé. Il faudroit Madame, luy dit Steſilée, que vous luy fiſſiez l’honneur de l’aller viſiter : & que pour la ſurprendre, vous y menaſſiez ces deux Eſtrangers. La Princeſſe qui ne cherchoit qu’à ſe divertir, & qui ne sçavoit pas qu’il y avoit un ſentiment d’envie
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