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bien que la Princesse sa sœur ne vous fera pas prendre pendant son absence : au contraire, nous en recevons tous les jours cent assistances secrettes, à vostre consideration. Parlez donc je vous en conjure : ne vous déguisez point icy : dittes nous precisément la verité : & s’il est possible que vous ne soyez pas Spitridate, dittes nous vostre veritable Nom, & vostre veritable naissance. Mon Maistre se trouva alors fort embarrassé : car de dire qu’il estoit Artamene, il n’y avoit point d’apparence. Il en eust sans doute esté plus respecté : mais il en eust aussi esté mieux gardé : & ç’eust esté perdre tous ses travaux, & n’avoir rien fait du tout : que de mettre en la puissance des Ennemis un homme comme luy. Il la suplia donc instamment, de croire qu’il n’estoit point Spitridate : & de ne l’obliger pas à luy dire son Nom. Il l’assura que c’estoit une chose qu’il n’avoit pas accordée au Roy qu’il servoit : & une chose que pour diverses raisons, il ne pouvoir absolument faire. Cette conversation estant un peu longue & fascheuse, les playes de mon Maistre recommencerent à saigner ; la fiévre luy prit ; & il fut huit jours assez mal : pendant lesquels on ne luy parla de rien que de guerir : & pendant lesquels il fut admirablement bien assisté par cette Dame : quoy qu’il y eust cent moments tous les jours, où elle le croyit tantost son Ennemy, & tantost son Fils.

Mais enfin ayant eu nouvelles que son Mary & son autre Fils estoient eschapez de la Bataille, & avoient suivy le Roy de Phrigie : son ame estant plus tranquile, elle se trouva aussi plus capable de raison. Et comme le lendemain qu’elle eut reçeu cette bonne nouvelle mon Maistre se porta mieux ; elle voulut essayer encore une chose, pour descouvrir

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