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bien qu’il y avoit quelque difference, entre Artamene & Spitridate : mais elle croyoit que depuis cinq ans qu’il y avoit qu’elle n’avoit veû son Fils, ce petit changement pouvoit estre arrivé en luy. Mon Fils, disoit-elle à une Fille qu’elle avoit, n’estoit pas du tout si grand qu’il est quand il partit ; il n’avoit pas mesme l’air du visage si haut & si noble : mais il estoit jeune ; & cinq années apportent bien du changement à un homme de son âge. Cependant Artamene qui ne voulue rien devoir à un mensonge, luy dit encore tant de choses, qu’elle commença de douter un peu de son opinion : il luy demanda alors la permission d’envoyer un Billet au Lieutenant General de l’Armée de Capadoce, mais elle n’y voulut pas consentir. Non, luy dit elle, je ne suis pas encore en estat de me resoudre sur mes doutes : mes yeux me disent que vous estes mon Fils : vos paroles m’assurent que vous estes mon Ennemy : & lequel que vous soyez des deux, il pourroit estre enfin que vous auriez tué mon mary. A ces mots les larmes luy venant aux yeux ; si vous estes mou Fils, luy dit elle, je vous dois pardonner, & je vous dois secourir : & si vous estes Amplement l’Ennemy du Roy à qui nous obeïssons presentement, je vous dois encore quelque compassion : Se comme malheureux, & comme ayant de la generosité, en ne me voulant pas tromper : C’est pourquoy, adjousta-t’elle, je ne puis manquer en vous assistant. Je sçay bien, mon Fils, qu’estant party d’aupres du Roy de Pont, comme vous en estes party, il faut vous cacher comme un criminel : Mais mon Fils, poursuivit elle encore, je suis vostre Mere. Et puis, l’on nous a assurées, que ce Prince a esté fait prisonnier : de plus, vous sçavez