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garde. Ce Soldat s’estant approché d’Artamene, luy dit ce que le Roy de Pont souhaitoit : mais mon Maistre avec une modestie sans égale, luy faisant signe de la main ; c’est à Philidaspe, luy dit-il, & non pas à Artamene, qu’il faut demander cette permission : puis qu’il a reçeu les derniers Ordres du Roy, & qu’il commande vos Troupes. Philidaspe confus & presque fasché de la civilité que mon Maistre luy faisoit en cette rencontre ; luy dit qu’il n’avoit plus de pouvoir où il estoit, & que c’estoit à luy à commander : je n’aime gueres, respondit Artamene, à commander aux autres, quand je ne suis pas en estat d’executer moy mesme ce que je leur commande : il faut pourtant aujourd’huy, respondit Philidaspe, que vous enduriez cette incommodité : car je ne pense pas qu’il y ait icy personne qui veuille occuper vostre place. Vous la tiendriez mieux que moy, repartit Artamene : tous vos Soldats, repliqua Philidaspe, n’en tomberoient pas d’accord : & je pense qu’ils auroient raison. Enfin Seigneur, apres que cette contestation eut assez duré, Artamene reprit les marques du commandement qui luy apartenoit : & se tournant vers ce Carde, Mon compagnon, luy dit il, dittes au Roy de Pont que si je pouvois marcher, j’irois luy faire la reverence où il est : & qu’il peut faite tout ce qui luy plaira. Ce genereux Prisonnier vint donc avec une joye extreme, salüer celuy qui l’avoit rendu captif : le ne pouvois, luy dit il en l’aprochant, me consoler de vostre perte : & je n’ay presque senty celle de ma liberté, que depuis le moment que je vous ay creû mort. Seigneur (luy respondit mon Maistre, avec beaucoup de douceur) si je n’estois pas encore assez blessé pour