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joye, de ce qu’il la reverroit : Cependant Philidaspe marcha, avec assez de diligence : & comme il fut à une journée de Sinope, il ordonna une espece de petit Triomphe, où l’on voyoit par tout des marques de deûil, aussi bien que des marques de Victoire, à cause de la mort du General ; n’ayant pas osé en user autrement. Or comme à la derniere Bataille, tout le Bagage des deux Rois avoit esté pris, il s’y estoit fortuitement rencontré beaucoup de choies, que le Roy de Phrigie avoit autrefois gagnées sur Ciaxare, en une guerre qu’ils avoient eue ensemble : & Philidaspe se servit de tout ce riche butin, pour en faire une pompe assez superbe, Il fit donc marcher premierement deux mille hommes de guerre, à la teste desquels l’on portoit quantité d’Enseignes gagnées sur les Ennemis : mais pour marquer la mort du General, ceux qui les portoient estoient en deüil. Cinquante Trompettes ou Clairons, suivoient ces Enseignes, avec des Banderolles & des Casaques noires ; en faite l’on voyoit quarante Chariots tendus de noir, tous remplis de Cottes d’armes magnifiques ; d’habillemens de teste, avec des Panaches de diverses couleurs ; de Boucliers de cent façons differentes ; d’Espées ; d’Arcs ; de Carquois ; de Fléches ; & de javelots de diverses Nations : & tout cela avec un meslange si adroit & si bien entendu, & toutes ces choies si bien entassées, avec ordre & avec confusion tout ensemble ; qu’à ce que nous ont dit ceux qui s’y trouverent, l’on ne pouvoit rien voir de plus beau ny de plus superbe. Six autres Chariots suivoient ces quarante premiers, tous remplis de ce que Ciaxare avoit autrefois perdu : c’est a dire de Pavillons magnifiques ; de grands Vases d’argent cizelé d’un