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le lendemain au lever de Cixare : d’y amener le plus de leurs amis qu’ils pourroient ; & qu’il s’agiſſoit du ſalut d’Artamene. Il n’en faloit pas davantage, pour les obliger à n’y manquer pas : & en effet l’on peut dire que jamais la Cour n’avoit eſté ſi groſſe, qu’elle fut ce jour là chez Ciaxare. Les Rois de Phrigie & d’Hircanie, le Prince des Caduſiens, celuy de Licaonie, celuy de Paphlagonie, Gobrias, Gadate, Thraſibule, Arribie, Thimocrate, Philocles, Leontidas, Megabiſe, Ariobante, Hidaſpe, Aduſius, Madate, Artabaſe, Agladitas, & cent autres s’y trouverent. Leur diligence fut toutefois inutile : & quoy qu’ils peuſſent faire, il leur fit impoſſible de pouvoir voir le Roy de tout le matin. Il voulut meſme diſner en particulier : afin de n’eſtre pas obligé de ſouffrir la veüe de tant de perſonnes qui ne luy diſoient que des choſes contraires à ſes deſſeins. Mais enfin sçachant qu’ils s’opiniaſtroient à luy vouloir parler ; & qu’ils eſtoient tous dans ſa Chambre, il ſortit de ſon Cabinet tout en fureur, abſolument determiné à la perte d’Artamene. Un moment apres, Feraulas ſuivant ce qui avoit eſté reſolu le jour auparavant, entra dans cette Chambre : & ſendant la preſſe pour arriver juſques aupres du Roy, il ſe preſenta devant luy avec autant de hardieſſe que de reſpect. Ciaxare ſurpris de le voir, Quoy Feraulas, luy dit il, vous craignez ſi peu la mort, que vous venez vous remettre dans les mains d’un Prince qui vous fait chercher comme un criminel ! Il eſt vray Seigneur, luy reſpondit il, que la mort n’eſt pas ce que je crains : & que preſentement j’ay beaucoup plus de peur que voſtre Majeſté ne face une injuſtice en la perſonne de mon Maiſtre. C’eſt pourquoy je viens luy apprendre qu’Artamene