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luy estre si contraire ? A quoy bon luy faire remporter deux illustres Victoires en un jour, pour le faire perir de cette sorte, & pour laisser Philidaspe son ennemy, joüir du fruit de ses travaux ? Cependant la pointe du jour estant venuë, nous continuasmes de chercher, & de chercher avec soing : bien aises pourtant, de voir que nous cherchions inutilement. Comme nous sçavions le costé où l’on avoit veû Artamene la derniere fois ; Chrisante & moy fusmes encore allez loing, sans que nous sçeussions bien precisément nous mesmes, pourquoy nous nous escartions tant : Mais le Destin qui nous conduisoit, sçavoit bien ce que nous ignorions. Comme nous commencions de desesperer de pouvoir rien aprendre de nôtre cher Maistre ; & que nous nous resolutions de nous en retourner ; nous entendismes quelques voix plaintives qui nous appelloient. Nous fusmes en diligence de ce costé là, & nous y trouvasmes deux Soldats fort blessez, l’un à la jambe & l’autre à la cuisse : qui ne pouvant se soustenir, estoient demeurez en ce lien toute la nuit, en attendant qu’il passast quelqu’un pour les secourir ; ayant reçeu ces blessures l’un & l’autre en cet endroit, comme ils poursuivoient les Ennemis. Mais quoy que ces blessures fussent grandes, & que leur foiblesse fust extréme, par la perte de leur sang ; la premiere chose qu’ils nous dirent, ne fut point de nous demander secours, bien qu’ils fussent de nostre Party : au contraire l’un des deux prenant la parole & nous regardant, (car il sçavoit bi ? que nous estions à Artamene) : Allez, nous dit-il, allez vers le bord de cette riviere, que vous voyez à deux cens pas d’icy, & cherchez y avec foin pour voir si vostre illustre Maistre n’y est point en mesme estat que nous. Nostre Maistre (