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autre choſe que ce que vous dites : Artamene, reprit il, a fait une action ſi criminelle, en ſongeant à gagner le cœur de ma Fille, que je ne la luy pardonneray jamais, Car enfin il voit que je la refuſe au Roy de Pont qui porte deux Couronnes : il voit que j’arme plus de cent mille hommes, pour la retirer d’entre les mains du plus puiſſant Roy de l’Aſie : & il ne laiſſe pas de concevoir une affection pour elle, qui ne peut eſtre innocente. Car s’il ne la veut point eſpouser, il veut donc qu’elle ſoit infame : & s’il ſonge à eſtre ſon Mary, il ſonge à mettre un Eſclave dans le Throſne de Medie ; à m’en renverſer ſans doute ; & à me priver du jour : n’eſtant pas poſſible qu’il ait eſperé que je conſentisse à ſon deſſein : Et il penſe enfin à des choſes ſi injuſtes, ſi eſtranges, & ſi criminelles, que la mort eſt un trop petit ſupplice pour luy. Mais encore Seigneur, reprit le Roy d’Hircanie, qu’avez vous de nouveau contre Artamene, vous qui ſongiez à le delivrer ? Cent choſes, reſpondit Ciaxare, qui ſont que je ne ſonge plus qu’à le perdre. Seigneur, repliqua le Roy de Phrigie, ce n’eſt pas une reſolution que vous deviez prendre en tumulte : & quand Artamene ſeroit auſſi criminel, que je le croy encore innocent, il a de telle ſorte gagné le cœur des Soldats, qu’il ſeroit à craindre que l’on ne viſt une eſtrange confuſion dans voſtre Camp, ſi vous le vouliez faire perir. Point du tout, repartit le Roy, & quand j’auray sçeu preciſément la baſſe Naiſſance d’Artamene, comme je la sçavray ſans doute, aujourd’huy que je tiens Chriſante en mon pouvoir : & que par un Manifeſte je ſeray sçavoir à tout le monde, qu’un ſimple Soldat de fortune, & peut-eſtre quelque choſe de moins : a eu l’audace d’oſer lever