Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/66

Cette page n’a pas encore été corrigée

comme il ne devoit pas tarder en Capadoce, il n’avoit voulu accepter nul employ : & ne vouloit estre que Volontaire. Mais tous ces Capitaines n’avoient rien de plus pressant dans l’esprit, que d’estre pleinement esclaircis de la fortune de leur General : ils dirent à Philidaspe qu’il faloit s’informer du Roy de Pont, en quel lieu il croyoit que le Roy de Phrigie se seroit retiré, afin d’y envoyer un Heraut, demander, si Artamene ne seroit point prisonnier. Car enfin il s’estoit trouvé deux Soldats qui assuroient avoir veû d’assez loing Artamene à l’entrée de la nuit, poursuivre les ennemis, du costé que le Roy de Phrigie avoit fait sa retraite. Ce fut moy, Seigneur, qui reçeus l’ordre d’aller vers le Roy de Pont que l’on avoit logé & pensé dans la Tente de mon Maistre : il m’assura qu’on trouveroit le Roy de Phrigie, à la Ville la plus proche de Cerasie au delà de la riviere de Sangar. Mais, Seigneur, je ne vy jamais un Prince plus raisonnable que celuy-là : Car dés le mesme instant que je luy eus fait connoistre la crainte que l’on avoit qu’Artamene ne fust prisonnier ; si cela est, me dit-il, ne craignez rien pour vostre Maistre. & se faisant donner de quoy escrire, bien qu’il fust assez blessé au bras droit ; il fit une Lettre au Roy de Phrigie, par laquelle elle prioit, si Artamene se rencontroit par hazard en sa puissance, de le traiter avec toute la civilité possible. L’on envoya donc aussi tost un Héraut vers le Roy de Phrigie : & Chrisante & moy suivis d’un nombre infiny d’autres de toutes conditions, ayant fait allumer force flambeaux, fusmes chercher parmy les morts, ce que nous souhaitions ardemment de n’y rencontrer pas, & ce que nous craignions estranggement d’y trouver. Helas ! disois-je à Chrisante, les Dieux auroient-ils esté si favorables à Artamene, pour