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commanda : & pour ne donner nulle marque de ſon chagrin ; par les conſeils de Metrobate, qui craignoit que l’on n’empeſchast ſes deſſeins : il ne voulut voir perſonne de tout le jour : & il fit dire qu’il ſe trouvoit un peu mal. Cependant Metrobate avoit reſolu de revenir le ſoir dire au Roy ce qu’il sçavoit du voyage d’Ortalque à Pterie ; que Marteſie avoit eſte trois jours cache chez Artucas avant que de paroiſtre à la Cour ; & les frequentes viſites qu’y faiſoient Feraulas & Chriſante. Mais il fut bien plus heureux qu’il ne penſoit : car ce jeune Garçon qui ſervoit chez Artucas, fut advertir ſon Frere chez Metrobate, qu’il n’y avoit pas deux heures que Feraulas avoit encore eſté voir Marteſie : & que s’eſtant caché dans un Cabinet de la Chambre où elle eſtoit, qui avoit une Porte degagée : il avoit veû qu’apres une aſſez longue converſation qu’ils avoient euë enſemble, où il avoit entre-oüy pluſieurs fois le Nom d’Artamene & celuy de Mandane : elle avoit ouvert une Caſſette, & luy avoit donné quelque choſe, qu’il croyoit eſtre une Lettre. Que Feraulas apres cela eſtoit ſorty, & luy avoit dit qu’il alloit à l’inſtant meſme porter ce qu’elle luy avoit baille, à la perſonne qui l’attendoit avec impatience. Ce Garçon diſoit encore qu’il eſtoit ſorty apres Feraulas, & l’avoit ſuivy juſques au Chaſteau, & juſques à l’Apartement où Artamene eſtoit retenu. Metrobate ayant encore sçeu cela, s’en retourna chez le Roy, avec autant de melancolie ſur le viſage, qu’il avoit de joye dans le cœur. Comme il fut aupres de luy où il n’y avoit perſonne : Seigneur, luy dit il, je ſuis au deſespoir d’eſtre forcé de vous aprendre qu’infailliblement il y a quelque choſe de conſiderable qu’il faut deſcouvrir.