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celuy qui ne me le veut pas dire ? Seigneur, reprit Metrobate, ſi j’oſois dire à voſtre Majeſté une choſe que je penſe, elle acheveroit peut-eſtre de ſe détromper abſolument de l’opinion qu’elle a eüe qu’Artamene ne la ſervira pas à l’advenir, auſſi bien qu’il a fait par le paſſé. Joint Seigneur, adjouſta-t’il, que comme c’eſt moy qui ſuis cauſe de ſa priſon, puiſque ce fut de ma main que vous euſtes le Billet qu’il eſcrivit au Roy d’Aſſirie : il me ſemble que je ſuis en quel que façon obligé de vous dire auſſi bien ce que je sçay à ſon avantage, que ce que j’ay sçeu à ſon prejudice. Le Roy l’entendant parler ainſi, Je preſſa alors extrémement de s’expliquer : & Metrobate faiſant l’ingenu & le ſincere, luy raconta comment le hazard l’avoit fait aller dans une Cabane de Peſcheurs pour eſcrire un Billet en faveur d’un de ſes amis qu’il avoit rencontré : & déguiſant encore un peu la choſe, il dit ſeulement au Roy, que ces Gens luy avoient dit qu’Artamene aimoit paſſionnement leur Princeſſe : & il exagera tellement le deſespoir d’Artamene, lors qu’il avoit d’eu Mandane mortes qu’il porta l’eſprit du Roy intenſiblement à la connoiſſance de ce qu’il vouloit qu’il ſceust. Quoy, luy dit il, Metrobate, de la maniere dont vous parlez, il ſemble que vous croiyez qu’Artamene ſoit amoureux de ma fille ? Seigneur, luy dit il, j’advoüe que c’eſt par là que je pretens ſervir Artamene : & que j’oſe aſſurer voſtre Majeſté, qu’ayant une ſi noble paſſion dans le cœur, il oubliera ſa priſon, & ſera plus vaillant & plus fidele qu’il n’a jamais eſté. Car Seigneur (luy dit il d’une façon à faire croite qu’il n’avoit nulle mauvaiſe intention) l’amour d’Artamene ne fait point de tort à la vertu de la Princeſſe :