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bien aiſe de l’affection que le Peuple avoit pour Artamene ; & diſant à ces Peſcheurs qu’il ſeroit bien toſt delivré ; il ſortit de cette Cabane auſſi toſt apres avoir eſcrit : & congediant l’amy d’Artane, il s’en retourna à Sinope, bien ſatisfait de ſon voyage. Comme il paſſa devant la maiſon d’Artucas, il en vit ſortir fortuitement Feraulas & Chriſante qui venoient de viſiter Marteſie : & pour achever de luy donner les moyens de nuire à Artamene, il ſe trouva qu’un des Domeſtiques de Metrobate eſtoit Frere d’un jeune Garçon qui ſervoit chez Artucas. De ſorte qu’ayant veû ſortir Feraulas & Chriſante de cette maiſon, il voulut sçavoir s’ils y alloient ſouvent : & pour cét effet il employa l’adreſſe de celuy qui le ſervoit, pour deſcouvrir par le moyen de ſon Frere s’ils y alloient pour Artucas ou pour Marteſie. Comme ce Garçon eſtoit jeune, & que ſon Frere employa la ruſe, les preſens, & les menaces pour luy faire deſcouvrir la verité : encore qu’on luy euſt deffendu chez ſon Maiſtre de dire que Marteſie avoit eſte deux ou trois jours à Sinope auparavant que tout le monde le sçeuſt : il le dit à ſon Frere, quoy qu’on ne luy demandaſt pas cela : & promit de dire touſjours tout ce qu’il sçavroit des viſites de Feraulas & de Chriſante. Il apprit donc à ſon Frere, que pendant que Marteſie avoit eſté cachée chez Artucas, ils n’avoient pas laiſſé de la voir : & que depuis qu’elle eſtoit arrivée, Feraulas l’avoit viſitée tous les jours, & Chriſante tres ſouvent. Il n’en faloit pas davantage, pour eſclairer un eſprit deffiant comme celuy de Metrobate : & ſe reſſouvenant de cent choſes où il n’avoit point pris garde auparavant, il ne douta plus du tout qu’Artamene ne fuſt amoureux de la Princeſſe : & que du moins la Princeſſe ne le sçeuſt & ne le ſouffrist.