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irrité contre Artamene, qu’il n’eſt rien qu’il n’euſt fait pour le perdre. Chriſante & Feraulas avoient bien eſté advertis de ſes mauvaiſes intentions ; mais comme il n’agiſſoit pas ouvertement contre leur Maiſtre ; & que de plus ils n’imaginoient point quel nouveau mauvais office il luy pouvoit rendre : ils n’avoient pas eu recours à des voyes violentes pour s’en deffaire : tant parce qu’ils eſtoient ſages & vertueux, que parce que cela auroit pu nuire à Artamene. Ils ne pouvoient plus meſme deſcouvrir ſes deſſeins : car celuy qui les avoit advertis de la mauvaiſe volonté de Metrobate, eſtoit mort de douleur quelque temps apres, d’avoir cauſe la priſon d’Artamene. De plus en l’eſtat qu’eſtoient les choſes, il n’y avoit pas lieu de penſer que rien ſe peuſt oppoſer à ſa liberté, qui eſtoit demandée par une grande Armée & par trois Royaumes. Au contraire, il y avoit preſque une certitude infaillible que l’on delivreroit bientoſt un homme que les Vaincus & les Vainqueurs aimoient eſgalement : & que perſonne n’euſt oſé teſmoigner haïr, non pas meſme Metrobate. auſſi ne fut-ce pas par cette voye qu’il nuiſit à Artamene, apres que la Fortune qui n’eſtoit pas laſſe d’eſprouver la vertu, luy en eut donné les moyens. Comme il eſtoit donc dans ce chagrin ſecret que la joye univerſelle que tout le monde avoit de la liberté d’Artamene cauſoit dans ſon cœur : il reçeut des nouvelles d’Artaxe qui commandoit dans Pterie : & qui avoit sçeu qu’Ortalque avoit eſté dire quelque choſe au Roy d’Aſſirie, comme il eſtoit preſt d’en partir. Il n’avoit pas pû deſcouvrir preciſément ce qu’il avoit dit à ce Prince, qui luy en avoit fait un ſecret : mais touſjours sçavoit il bien que ſelon les apparences Ortalque avoit eſté envoyé