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à celuy que tout le monde vouloit ſervir.

Neantmoins ils ſortirent de chez le Roy avec une ſi forte eſperance de la liberté d’Artamene : que comme la joye eſt une choſe que beaucoup de perſonnes ne peuvent cacher, & qui fait bien ſouvent reveler cent ſecrets qu’il faudroit faire : il s’eſpandit en un moment un bruit general par toute la Ville & par tout le Camp y qu’Artamene alloit eſtre delivré. Il en fut luy meſme adverty comme d’une choſe certaine ; ſes Gardes en pleurerent de joye : Andramias ne pouvoit ſe laſſer de luy teſmoigner la ſatisfaction qu’il avoit d’eſperer de le revoir bientoſt au meſme eſtat qu’il l’avoit veû quelque temps auparavant. Marteſie en eſtoit ſi tranſportée, qu’elle ne pouvoit exprimer ſa joye : & Chriſante & Feraulas en eſtoient ſi aiſes, que l’illuſtre Artamene ne l’eſtoit guere davamage : bien que la conſideratron de la Princeſſe luy fiſt regarder la liberté comme le plus grand bien qui luy peuſt jamais arriver, en l’eſtat où eſtoit ſa fortune, Quoy, diſoit il en luy meſme, je pourrois encore eſperer de ſervir l’illuſtre Mandane ! & je pourrois croire de me retrouver en termes de delivrer ma Princeſſe, ou de mourir du moins pour ſon ſervice ! Quoy je pourrois encore me flatter de l’agreable penſée de la revoir & d’en eſtre veû ! & je pourrois m’imaginer de me retrouver encore une fois aupres d’elle, avec la liberté de l’entretenir de ma reſpectueuse paſſion ! Ha, s’il eſt ainſi, s’eſcrioit il, que je dois peu me plaindre des maux que j’ay ſoufferts : & que je ſeray pleinement recompente de tant de douleurs que j’ay endurées ! C’eſtoit de cette ſorte que l’illuſtre Artamene s’entretenoit, pendant que toute la Ville & tout le Campeſtoient en joye, par l’eſperance de ſa liberté ;