Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/624

Cette page n’a pas encore été corrigée

fort bien ce chemin là, avoit deſſein d’aller encore en quelque lieu qu’ils ne sçavoient pas : de ſorte qu’ils ne luy dirent rien. Ainſi continuant de marcher par ce chemin détourné, ils s’eſloignerent non ſeulement de la route qu’ils devoient ſuivre, mais meſme ils arriverent enfin en un endroit, où il n’y avoit plus nulle trace de chemin.

Se trouvant alors au bord de la Mer, parmy des Rochers ſauvages & preſque inacceſſibles, cette veüe remit encore plus fortement en la memoire de Philoxipe, le Deſert où il avoit trouve la demeure de Policrite : Mais au meſme temps auſſi, il s’aperçeut qu’ils s’eſtoit eſgaré ; & tellement eſgaré, qu’il ne connoiſſoit point du tout le lieu où il eſtoit. Neantmoins comme il luy parut aſſez agreable, quoy que fort ſauvage, il dit à Solon qu’infalliblemêt continuant d’aller le long de la Mer, ils trouveroient quelque ſentier qui leur feroit retrouver leur chemin. C’eſt pourquoy du lieu de retourner ſur ſes pas, il continua d’aller, & ſe mit meſme à marcher devant, afin d’eſtre le Guide de ceux qu’il avoit eſgarez. comme Philoxipe fut aſſez avancé, il deſcouvrit cinq ou ſix petites Cabanes de Peſcheurs baſties au bord de la Mer : il entendit meſme pluſieurs voix de Femmes qui crioyent, & qui ſe pleignoient de quelque malheur. Il avança alors avec precipitation, ſans sçavoir par quel ſentiment les voix de ces Femmes luy avoient donné tant d’eſmotion, & eſtant arrivé aupres d’elles, il reconnut Megiſto & Doride, & les vit le viſage tout couvert de larmes, acconpagnées de pluſieurs autres Fêmes qui pleuroient auſſi bi ? qu’elles, & qui ſans le regarder, regardoient toutes vers la Mer. Il jetta alors les yeux du meſme coſté qu’elles regardoient : Mais helas ! il vit Policrite