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pour vous prouver, dit il encore, que j’ay veſcu aveque reſpect aupres de Policrite, & que je n’en ay jamais eu une parole favorable ; Voyez (luy dit il Seigneur, en luy monſtrant la Lettre qu’il en avoit reçeüe) l’innocente & cruelle marque de reconnoiſſance, que cette adorable Perſonne m’a donnée ; puis qu’en meſme temps qu’elle me dit qu’elle ſe ſouviendra de moy, elle me dit auſſi qu’elle ne me verra jamais. Neantmoins Seigneur, adjouſta t’il, ſi ma paſſion vous déplaiſt, je vous proteſte que je me reſoudray à mourir, auſſi toſt que vous m’en aurez donné la moindre connoiſſance : puis que c’eſt la ſeule voye par laquelle je puis l’arracher de mon cœur. Mais auſſi, s’il eſt vray que vous ayez une veritable affection pour moy, vous me plaindrez au lieu de m’accuſer : vous me promettrez de ne m’eſtre pas contraire, ſi les Dieux vous redonnent Policrite : & que vous ſouffrirez qu’elle poſſede la belle Ville que j’ay fait baſtir par vos ordres. je voudrois Seigneur, pouvoir luy offrir pluſieurs Couronnes : mais je ne penſe pas que celuy qui les refuſe, faſſe difficulté de donner ſa fille à un Prince qui s’eſtime heureux de n’eſtre qu’aupres du Throſne : & d’aider à ſon Roy à ſoutenir la peſanteur du Sceptre. Apres que l’illuſtre Philoxipe eut ceſſé de parler, & que Solon eut achevé de lire la Lettre de Policrite ; Ma fille, luy dit il, eſt encore plus ſage que je ne penſois : & puis qu’elle a pû reſister aux charmes de la Grandeur, & à la vertu de Philoxipe : je trouve qu’Epimenides avoit raiſon de parler de celle de Policrite comme d’un miracle. Soyez donc aſſuré, luy dit il, Seigneur, que ſi les Dieux me redonnent ma fille, je n’aporteray nul autre obſtacle à vos deſſeins, que la priere que je