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qu’il l’eut guery de toutes ſes craintes, par des Sacrifices, par des prières, 8c par des ceremonies : il voulut encore à ma conſideration, tarder quelque temps à Athenes : où certainement il fit des Predictions prodigieuſes, à cent Perſonnes differentes. Un jour que venant à parler enſemble de la foibleſſe humaine, & combien peu il faloit ſe fier à ſes propres forces, ny meſme à celles de la Philoſophie, je luy racontay ce qui m’eſtoit arrivé chez Thales le Mileſien ; & à quel point j’avois eſté honteux, de n’eſtre pas Maiſtre de mes premiers ſentimens. Solon, me dit il, eſt aiſé à vaincre de ce coſté là : & toutes les fois que la Fortune ſe ſervira des ſentimens de la Nature contre luy, elle le vaincra ſans doute : car il a l’ame auſſi tendre en ces rencontres, qu’il l’a forte contre l’ambition. Mais Solon, dit il, que vous eſtes à pleindre, ſi vous ne vous reſoluez à me croire ! & que ce que vous avez ſouffert chez Thales voſtre illuſtre Amy eſt peu de choſe, en comparaiſon de ce que vous ſouffrirez un jour en la perſonne d’une Fille, dont Voſtre Femme eſt groſſe preſentement ! J’ay, me dit il encore, obſervé voſtre Naiſſance & voſtre vie : & je trouve que cette Fille qui naiſtra bien-toſt, doit eſtre un Prodige en beauté & en vertu : & doit eſtre auſſi une des plus heureuſes perſonnes du monde, ſi vous croyez mes conſeils : mais auſſi la plus infortunée. Il vous ne les ſuivez pas. Enfin, me dit il, ſi vous ne faites ce que je vous diray, vous aurez le deſplaisir de voir, que la beauté de voſtre Fille deſolera voſtre Patrie : & qu’apres avoir refuſé la Souveraine Puiſſance comme vous la refuſerez un jour, elle donnera de l’amour à un de vos Citoyens, qui deviendra le Tyran de la Republique ; ce qui la fera reſoudre à