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leur faire aprendre l’Art de raiſonner : & leur donner des loix & des preceptes, pour la Y conduitte des Republiques & des Eſtats. Elle peut meſme aſſez ſouvent nous faire vaincre nos paſſions : Mais lors qu’il faut ſurmonter un ſentiment equitable que la Nature nous donne ; croyez moy Philoxipe, que cette meſme Philoſophie qui nous aura quelque fois fait perdre des Couronnes ſans changer de viſage ; ou qui nous en aura fait refuſer ſans repugnance ; ſe trouve foible en des occaſions moins éclatantes. Et en mon particulier, je puis dire que j’en ay eſté abandonné trois fois en ma vie : quoy que peut-eſtre j’en aye eſté ſecouru en cent autres rencontres aſſez difficiles. Mais encore, luy dit Philoxipe, ne sçauray-je point ce qui vous affligé ? Il faut bien que je vous le die, luy repliqua Solon, puis que ce n’eſt que de vous ſeul que je puis attendre quelque ſecours. je ne vous rediray point, luy dit il, tant de particularitez qu’autrefois je vous ay racontées de ma fortune ; car je veux croire que vous ne les avez pas oubliées : Mais pour vous faire entendre parfaitement la cauſe de ma douleur ; il faut toutefois que je reprenne les choſes d’aſſez loin : & que je vous dis quelques circonſtances de ma vie, que vous avez ignorées. Vous avez bien sçeu que je n’ay jamais creû que le mariage fuſt incompatible avec la Philoſophie & la parfaite Sageſſe, comme Thales cét illuſtre Mileſien ſe l’eſt imaginé : & vous n’avez pas ignoré non plus, que j’eſpousay une Perſonne de grande vertu & de grand eſprit, dont j’eus des Enfans, qui moururent peu apres leur naiſſance : à la reſerve d’un Fils qui me reſta, & que j’ay eſlevé avec beaucoup de ſoin, en intention de le rendre