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Solon eſtoit tellement interieure, qu’à peine en paroiſſoit il quelques marques ſur ſon viſage. Solon ne le vit donc pas pluſtost, qu’il remarqua aiſément ſa melancolie : & Philoxipe de ſon coſté regardant Solon, vit qu’au lieu de cette phiſionomie tranquile, & de cét air ouvert & agreable qu’il avoit accouſtumé d’avoir dans les yeux, il y paroiſſoit beaucoup de douleur. Apres que les premiers complimens furent faits, & que Philoxipe eut conduit Solon dans ſa chambre. Seigneur, luy dit il, vous me donneriez une grande conſolation d’avoir l’honneur de vous voir, ſi je ne voyois pas quelques ſignes de triſtesse en vous, dont je ne puis m’empeſcher de vous demander la cauſe. Genereux Prince, repliqua Solon, je devrois vous avoir prevenu : & vous avoir demandé le ſujet de voſtre melancolie, auparavant que de vous avoir donné loiſir de me parler de la mienne. Mais je vous adjoüe que le Legiſlateur d’Athenes n’eſt pas preſentement en eſtat de ſe donner des loix à luy meſme, & que la douleur que je ſens, eſt plus forte que ma raiſon. Philoxipe l’embraſſant alors eſtroitement, le conjura de luy en vouloir dire la cauſe : & le pria de croire qu’il ſeroit toutes choſes poſſibles pour le ſoulager. Mais, luy dit il, Seigneur, je penſois que la Philoſophie vous euſt mis à couvert de toutes les infortunes de la vie : & que la douleur fuſt un ſentiment inconnu à Solon, à qui toute la Grece donne le Nom de Sage. La Philoſophie, reprit ce fameux Athenien, eſt une imperieuſe qui ſe vante de regner en des lieux où elle n’a pas grand pouvoir : Elle peut ſans doute, pourſuivit il, enſeigner la vertu aux hommes : leur faire connaiſtre toute la Nature :