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bien avec elle : Helas ! luy dit le Roy, il eſt peu de choſes que je ne face pour cela : Parlez donc mon cher Philoxipe : faut il ſoupirer longtemps ? faut il verſer des larmes en abondance ? & faut il eſtre eternellement à ſes pieds ? Non Seigneur, reprit il, & il ne faut que luy mettre la Couronne ſur la teſte. Mais, luy reſpondit ce Prince, j’euſſe bien voulu ne devoir point l’amour d’Aretaphile à ſon ambition : & au contraire, j’euſſe voulu que la Couronne de Chipre, euſt eſté la recompenſe de ſon affection pour moy.

Enfin, Seigneur, cinq ou fix jours s’eſtant paſſez de cette ſorte, & Philoxipe ne pouvant plus ſouffrir la Cour, ſupplia le Roy de luy permettre de s’en retourner à Clarie. Tous ceux que le Roy avoit envoyez à tous les Ports de Mer qui n’eſtoient pas fort eſoignez de Paphos, revindrent en ce meſme temps : & ne raporterent nulles nouvelles de Policrite. De ſorte que le malheureux Philoxipe s’en retourna à ſa ſolitude, avec un deſespoir eſtrange. Il avoit pourtant obligé le Roy à ne dire point quelle eſtoit la cauſe de ſon chagrin : & il n’y avoit que luy, la Princeſſe Aretaphile, & moy, qui en sçeuſſions la verité. Encore cette Princeſſe n’en sçavoit elle rien autre choſe, ſinon que Philoxipe eſtoit devenu amoureux d’une perſonne qu’il ne connoiſſoit pas. De vous repreſenter quelle eſtoit la vie qu’il menoit ; cela ſeroit aſſez difficile. Dés qu’il faiſoit beau, il s’en alloit viſiter la Cabane de Policrite, & tous les lieux où il l’avoit veuë, & où il luy avoit parlé : il s’en alloit faire de nouvelles queſtions à Eſclave qui y eſtoit, & que l’on avoit touſjours obſervé, ſans voir venir perſonne parler à luy, ny ſans qu’il euſt eſté parler à perſonne : mais toute l’adreſſe de ce Prince fut une ſeconde fois inutile