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qu’elle fuſt poſſible. Enfin il dit à Philoxipe, qu’à moins que de voir Policrite, il n’adjouſteroit point de ſoy à mes paroles. Philoxipe voyant donc l’obſtination de ce Prince, luy dit qu’encore qu’il ſe trouvaſt fort mal, il ne laiſſeroit pas de ſe faire porter à Clarie, pour peu qu’il ſe trouvaſt mieux le lendemain : s’imaginant qu’il recouvreroit pluſtost la ſanté, en s’aprochant de Policrite, qu’en demeurant à Paphos. Cependant quoy que le Roy ne creuſt pas encore ce que je luy diſois, il y avoit des momens, où l’on ne laiſſoit pas de voir des ſentimens de joye dans ſon cœur. Ha mon cher Philoxipe, luy diſoit il, ſeroit il bien poſſible que vous ne fuſſiez point mon Rival, & que je me fuſſe trompé ? Si cela eſt, adjouſtoit il encore, je penſe que j’adoreray cette Policrite dont vous me parlez, au lieu de condamner l’amour que vous dittes avoir pour elle : puis que par là je ne ſeray plus contraint de ceder, ce que j’aime plus que ma vie, & que mon Confident ne ſera point mon Rival. Mais admirez Seigneur, les effets extraordinaires de l’Amour ! Philoxipe eſtoit encore aſſez malade, lors qu’il avoit envoyé prier le Roy de le venir revoir : mais des qu’il eut formé la reſolution de retourner à Clarie, il luy amanda ; il dormit toute la nuit ſuivante, avec aſſez de tranquilité ; & le lendemain il ſe fit porter en Litiere à Clarie, où le Roy alla coucher. Le jour d’apres, Philoxipe quitta le lict : & celuy qui ſuivit malgré ſa foibleſſe, il monta à cheval avecque le Roy, accompagné de peu de monde : & fut juſques au pied des Rochers où il faloit deſcendre.

Comme nous y fuſmes, le Roy ſans eſtre ſuivy que de Philoxipe & de moy, prit le chemin de la Cabane de Cleanthe :