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le Roy dans l’opinion où il eſtoit il l’envoya ſuplier qu’il luy peuſt parler : & ce fut juſtement comme je revenois d’Amathuſe. Je me trouvay donc aupres de ce Prince, lors qu’il reçeut ce meſſage : & à l’inſtant meſme il partit, pour aller chez Philoxipe : mais avec tant de chagrin qu’il m’en faiſoit piti@©. Il s’eſtoit repenti plus d’une ſois, de ce qu’il avoit dit à Aretaphile : & ne sçachant ſi effectivement cette Princeſſe n’auroit point dit quelque parole obligeante à Philoxipe, apres qu’il les eut laiſſez enſemble ; il retournoit chez luy avec une inquietude extréme. Comme nous y fuſmes, il s’informa ſi la Princeſſe Aretaphile y avoit encore eſté long temps apres luy ? Et ayant sçeu que non, il entra dans la chambre de Philoxipe : qui me voyant avec le Roy en fut fort aiſe. Seigneur, luy dit il, je voy bien qu’il eſt temps de vous adjoüer ma foibleſſe, & de vous deſabuser : Le Roy qui ne pouvoit concilier ces deux choſes, ne luy reſpondit qu’en ſoupirant : & s’eſtant aſſis aupres de ſon lict, Philoxipe reprenant la parole, luy demanda pardon de la peine qu’il luy avoit donnée : & me pria de raconter au Roy ce que je sçavois de ſon avanture : le ſuppliant de ne trouver pas mauvais que je ne luy euſſe point dit la verité, puis qu’à moins que d’attirer ſur moy le courroux du Ciel & d’eſtre parjure, je n’euſſe pû reveler ſon ſecret, apres les ſermens qu’il m’avoit fait faire. Je commençay donc de dire au Roy, tout ce que je sçavois de l’amour de Philoxipe : Mais Seigneur, tout ce que je luy diſois, luy paroiſſoit tellement incroyable, & parce qu’en effet la choſe n’eſtoit pas trop dans la vray-ſemblance ; & parce qu’il craignoit qu’elle ne fuſt pas vraye ; qu’il fut un aſſez long temps à ne pouvoir meſme concevoir