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Mais Philoxipe ſi cela eſt, il n’eſt point beſoin d’une ſi bizarre ſainte : il ne faut que m’en donner le moindre ſoubçon, & je vous aſſure que je ne regreteray pas long temps la perte d’un cœur auſſi partagé que le ſien. Car enfin le Roy juſques à maintenant a touſjours plus aimé ſa Couronne, que la Princeſſe Aretaphile : & par ſon diſcours il me veut encore faire côprendre aujourd’huy, qu’il vous aime mieux que moy. Madame, luy dit Philoxipe, je vous demande en grace de ne condamner pas le Roy legerement : & de ne blaſmer pas en luy, la compaſſion qu’il veut avoir d’un mal dont il vous croit la cauſe. Je m’engage, Madame, à le deſabuser de l’opinion qu’il a : car enfin quoy que vos charmes ſoient incomparables, le reſpect que j’ay touſjours eu pour vous, & celuy que j’auray toute ma vie pour le Roy, m’ont certainement garanty d’un peril preſque inevitable, pour ceux qui n’auroient pas eu de ſi puiſſantes raiſons de reſister à voſtre beauté. Ainſi, Madame, ne vous inquietez pas ; & faites moy l’honneur de me promettre de pardonner au Roy l’injuſtice qu’il a de vouloir que je partage aveque vous, un cœur où vous devez regner ſeule. Mais, Madame, auparavant que le Roy vous aimaſt, il m’avoit deſja donné la place que j’y occupe aujourd’huy : c’eſt pourquoy vous n’en devez pas murmurer. Non non, luy dit l’ambitieuſe Aretaphile, il ne vous ſera pas aiſé de juſtifier le Roy : il eſt genereux, je l’adjouë ; mais il eſt mauvais Amant : & quiconque peut ceder la perſonne aimée, ne l’aime ſans doute que fort mediocrement. En diſant cela, Aretaphile luy dit adieu : & laiſſa Philoxipe dans une douleur ſi grande, que ſon mal en augmenta.

Craignant donc de mourir en laiſſant