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mais traitez le moins rigoureuſement que vous ne m’avez traité, puis qu’il le merite mieux : & ſi voſtre ambition ne peut eſtre ſatisfaite, ſans une Souveraine puiſſance : je vous promets divine Princeſſe, que ſi je ne puis mettre Philoxipe ſur le Throſne, il en ſera touſjours ſi prés, qu’on ne pourra preſque diſcerner ſa place ce de la mienne. Enfin, dit il encore, ſi Philoxipe meurt je mourray ; & ainſi je vous perdray pour touſjours. Mais ſi vous ſauvez Philoxipe, du moins pourray-je eſperer de languir encore quelque temps ; & d’avoir quelque part en voſtre eſtime, n’en pouvant plus pretendre en voſtre affection. Ne penſez pas, luy dit il, que ce que je fais ſoit une marque de la ſoiblesse de mon amour : puis qu’au contraire s’en eſt une de ſa violence. Car enfin ſi je pouvois me reſoudre à vous abandonner, & à ſuivre Philoxipe dans le Tombeau, je ne luy cederois pas la part que je pretendois à voſtre affection, quoy qu’il en ſoit plus digne que moy : mais ne pouvant le voir mourir à ma conſideration ſans en expirer de douleur, il faut que je vive pour le faire vivre, & que je taſche de prolonger de quelque temps le plaiſir que j’ay de vous voir. Aretaphile eſtoit ſi eſtonnée d’entendre parler le Roy de cette ſorte, & Philoxipe en eſtoit ſi affligé ; que l’eſtonnement & la douleur produiſant un pareil effet en ces deux Perſonnes, elles demeurerent un aſſez long temps ſans pouvoir parler. Aretaphile avoit bien aſſez bonne opinion de ſa beauté, pour ſe laiſſer perſuader facilement que Philoxipe fuſt amoureux d’elle ; & elle l’avoit auſſi aſſez bonne de ſa generoſité, pour croire qu’il n’auroit pas oſé deſcouvrir ſa paſſion : Mais comme tout ce qui n’eſtoit point Roy ne pouvoit toucher ſon cœur, elle avoit un chagrin eſtrange,