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plus Sacré, que je ne pretens rien à la Princeſſe Aretaphile : Quelle eſt donc, reprit le Roy qui ne le croyoit pas, la cauſe de voſtre retraite & de voſtre melancolie ? l’avoüe Seigneur, que je fus tenté cent & cent fois, de manquer à la parole que j’avois donnée à Philoxipe : Mais voyant le trouble où il eſtoit, & qu’enfin il ne pouvoit ſe reſoudre de dire au Roy la verité de la choſe, je me retins : & j’entendis que Philoxipe luy reſpondit, que ce qu’il luy demandoit, ne meritoit pas ſa curioſité, & qu’il ne pouvoit le luy dire.

Comme il eſtoit deſja tard, nous nous en retourvaſmes à Clarie : où le Roy parla touſjours de la meſme façon à Philoxipe, & où Philoxipe luy parla touſjours auſſi de la meſme ſorte. Ayant trouvé un petit moment à entretenir Philoxipe en particulier, je voulus luy perſuader de dire la verité au Roy : mais il ne voulut jamais s’y reſoudre : me diſant qu’il luy feroit aſſez connoiſtre qu’il n’eſtoit point amoureux d’Aretaphile, en ne la voyant jamais. Cependant, plus le Roy voyoit d’obſtination & de douleur dans l’eſprit de Philoxipe, plus il en avoit de compaſſion, & plus il faiſoit d’effort ſur luy meſme pour vaincre ſon amour. Et pour cét effet, il fut effectivement huit jours à Clarie : pendant leſquels Philoxipe eſtoit deſesperé, & de l’opinion qu’avoit le Roy, & plus encore de ne pouvoir aller voir Policrite. Je penſe meſme que le Roy n’auroit pas ſi toſt quitté cette Solitude, ſi l’on ne fuſt venu l’advertir qu’un Ambaſſadeur d’Amaſis Roy d’Egypte eſtoit arrivé à Paphos. Il fut donc contraint d’y retourner : mais quoy que peuſt faire Philoxipe, il falut qu’il y allaſt auſſi. Non, luy diſoit le Roy, je ne veux point revoir Aretaphile, que je ne