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fait pour l’amour de moy. Ainſi Philoxipe, je ne vous veux point de mal, de ce que vous aimez Aretaphile. Seigneur, repliqua Philoxipe, pour teſmoigner à voſtre Majeſté que je n’en ſuis pas amoureux ; je vous promets de ne la voir de ma vie : de n’entrer pas meſme à Paphos : ou du moins de ne parler plus du tout à cette Princeſſe. je sçay bien, luy reſpondit le Roy, que voſtre generoſité vous porte à vous reſoudre à la mort, pluſtost que de manquer à voſtre devoir : Mais Philoxipe, afin que vous ne puiſſiez pas me reprocher que je n’ay rien fait pour me vaincre : je viens demeurer à Clarie auſſi bien que vous : pour taſcher de me guerir de cette paſſion, & de vous ceder Aretaphile. De voſtre coſté, vous ferez la meſme choſe : & le premier gueri, la cedera à celuy qui ne le ſera pas. Mais mon cher Philoxipe, luy diſoit il, vous eſtes encore plus malheureux que vous ne penſez : car quand je n’aimerois plus Aretaphile, vous n’auriez pas gagné ſon cœur. Vous sçavez que c’eſt une ambitieuſe, qui n’a l’ame ſensible qu’à la Grandeur ſeulement : & quand je vous aurois cedé ma Maiſtresse, ſi je ne vous cedois auſſi ma Couronne, vous n’auriez guere de part en ſon inclination. Mais enfin (pourſuivoit ce Prince, ſans donner loiſir à Philoxipe de l’interrompre) ſi je vous cede Aretaphile, il me ſera apres aiſé de vous ceder le Throſne. En un mot, je ne veux pas que voſtre mort me ſoit reprochée : je veux faire tout ce que je pourray pour me guerir, afin de vous guerir vous meſme : & ſi nous ne le pouvons ny l’un ny l’autre, nous mourrons du moins enſemble. Seigneur, luy dit alors Philoxipe, je vous jure par tout ce qui m’eſt de plus Sainet & de