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parlé ſi malicieuſement à Philoxipe.

Mais enfin ce Prince ſe retira fort triſte, & fort amoureux tout enſemble : comme il s’en revenoit avec intention de remonter à cheval, à l’endroit où il avoit accouſtumé d’en laiſſer un avec un de ſes Gens ; il rencontra le Roy, qui avoit mis pied à terre, & que j’avois l’honneur d’accompagner. Je vous laiſſe à penſer combien cette veüe le ſurprit : je voulus d’abord taſcher de luy faire connoiſtre par quelque ſigne que j’eſtois au deſespoir de ce que le Roy luy allait dire : Mais ce que je penſois faire pour luy preparer l’eſprit à quelque choſe de fâcheux, produiſit un autre effet, & l’embarraſſa davantage. Auſſi toſt qu’il eut aperçeu le Roy, faiſant effort ſur luy meſme, pour cacher une partie de ſon chagrin, il s’avança en diligence : & prenant la parole le premier, apres l’avoir ſalüé, Segneur, luy dit il, voſtre Majeſté quitte ce me ſemble Paphos, en une Saiſon où elle n’a guere accouſtumé de chercher la promenade ſolitaire. Vous avez raiſon, reſpondit il, mais il ſemble pourtant bien moins eſtrange que je vienne chercher Philoxipe à Clarie, que de trouver Philoxipe parmy des Rochers. Comme il faiſoit aſſez beau ce jour là, quoy que ce fuſt en hyver, le Roy ne pouvant differer davantage à dire à Philoxipe ce qu’il avoit ſur le cœur : s’arreſta en un endroit aſſez agreable, apres avoir fait ſigne au peu de monde qui l’avoit ſuivy, de ſe retirer, & m’avoir commandé que je demeuraſſe. Comme il n’y eut donc plus que Philoxipe & moy aupres de ce Prince, il ſe fit un ſilence qui dura aſſez long temps : & où ſans doute nous penſions tous trois des choſes bien differentes. Le Roy voyant Philoxipe ſi changé, ſi melancolique, & ſi inquiet, taſchoit de faire que ſon