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hommes de voſtre condition, qui ayent aſſez de merite pour devoir ſeulement oſer vous regarder. Je n’aimeray donc rien Seigneur, reſpondit elle en ſe levant, parce qu’elle vit paroiſtre Cleanthe & Megiſto : qui ne pouvant plus ſouffrir les viſites du Prince ſans impatience, veû ce qu’ils penſoient avoir remarque dans le cœur de Policrite, le prierent avec beaucoup de civilité, de vouloir ne ſe donner plus la peine de venir ſi ſouvent chez eux. Mais comme Philoxipe avoit l’eſprit un peu irrité des cruelles paroles qu’il penſoit avoir entendues de Policrite, & qui luy eſtoient pourtant tres avantageuſes : il ne pût recevoir le diſcours de Cleanthe & de Megiſto avec la moderation qu’il avoit accouſtumé d’avoir. Au contraire, il parut de la colere ſur ſon viſage, & beaucoup de douleur dans ſes yeux. Cleanthe, luy dit il comme je ne viens pas icy pour vous dérober le Threſor que les Dieux vous ont donné, ne vous oppoſez pas à la ſatisfaction que je trouve à admirer en Policrite, la vertu que vous luy avez apriſe. Seigneur, reprit Cleanthe, quoy que je connoiſſe bien la voſtre, je ne laiſſe pas de craindre que comme Policrite n’a pas encore aſſez veſcu pour connoiſtre preciſément, juſques où doit aller le reſpect qu’elle vous doit : elle ne manque à quelque choſe, ou contre vous, ou contre elle meſme. Non non, luy repliqua bruſquement Philoxipe, ne craignez rien de ce que vous dittes : & apprehendez pluſtost que ſa ſeuerité ou la voſtre ne me face perdre la raiſon. Enfin cette converſation quoy que reſpectueuse pour Policrite, fut touteſois ſi paſſionnèe, que Cleanthe & Megiſto en furent fort affligez : & Policrite meſme en eut aſſez d’inquietude, & ſe repentit d’avoir