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il, mon cher Leontidas, pluſtost que la verité de mon avanture : Car aux termes où eſt mon eſprit, je penſe que je me deſespererois, ſi le Roy la sçavoit.

Je le quittay donc, apres qu’il m’eut encore fait jurer cent & cent ſois, de ne deſcouvrir pas la moindre choſe de ſon malheur : & je fus retrouver le Roy, qui m’attendoit avec une impatience extréme : & qui s’eſtoit retiré exprés d’aſſez bonne heure, afin que je puſſe l’entretenir avec plus de liberté quand je reviendrois, Et bien, me dit il, Leontidas, que fait noſtre Solitaire ? Seigneur, luy dis-je, en le nommant comme vous faites, voſtre Majeſté peut aiſément deviner ſes occupations : il reſue ; il ſe promene ; il lit ; il regarde ſes Peintures & ſes Statües :  ; il va d’un lieu en un autre ; & cherchant ſans doute la ſanté par tout, il ne la trouve en nulle part. Mais Leontidas, me dit il, vous me parlez comme parle Philoxipe : & ce n’eſt pas là ce que j’ay attendu de vous, Seigneur, luy repliquay-je, j’ay fait tout ce que j’ay pû pour ſatisfaire voſtre Majeſté : mais je vous advoüe que mon voyage n’a pas eſté ſi heureux que je le penſois. Car enfin Philoxipe dit ſeulement qu’il ſe trouve un peu mal ; & qu’il a une melancolie qu’il ne sçauroit vaincre. Luy avez vous demandé, me dit le Roy, ſi ce ne ſeroit point qu’il ſouhaitast quelque choſe que je ne m’aduiſasse pas de luy donner, parce que je ne sçay pas qu’il la deſire ? Ha Seigneur (luy dis-je, penſant bien faire) l’ambition ne tourmente point Philoxipe ; & il eſt ſi ſatisfait de voſtre Majeſté, qu’il ne ſouhaite rien au de là de ce qu’il poſſede. Avez vous donc deſcouvert, reprit il, qu’il ait quelque meſcontement ſecret contre quelqu’un de cette Cour ?