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mais je sçay bien que j’eusse partagé le peril, lien reste encore assez, luy repliqua Artamene, puis que nous avons devant nous une Armée de vingt mille hommes à combattre. La premiere Victoire que vous avez remportée, respondit Philidaspe, n’est pas un presage assuré de la seconde : & peut-estre qu’en partageant le peril avec vous, je ne partageray pas la gloire. Nous le verrons bien tost, respondit Artamene ; car je ne pense pas qu’il soit à propos de laisser fortifier nos ennemis, auparavant que de les combattre. Il faut profiter des faveurs que la Fortune nous a faites : c’est une capricieuse, qui ne veut pas qu’on les neglige : & qui les oste quelquefois pour tousjours, lors qu’on ne les prend pas dés qu’elle les presente. Vous la connoissez mieux que moy, respondit Philidaspe, qui n’ay jamais reçeu aucun bien d’elle : voyons donc (repliqua Artamene, qui se sentit un peu piqué de ce discours) si les maux ou les biens que j’en ay reçeus, m’ont apris à la bien connoistre. Apres cela, il se tourna vers tous les Chefs & vers tous les Soldats ; & leur parlant avec une hardiesse, & une joye dans les yeux, qui sembloit estre d’un heureux presage : N’est il pas vray, leur dit-il, mes Compagnons, que les Vainqueurs ne sont jamais las ? & que vous l’estiez davantage, auparavant que d’avoir combatu, que vous ne l’estes maintenant, que vous avez vaincu vos Ennemis ? Mais mes chers Compagnons, ne nous trompons pas nous mesmes : nous n’avons encore que commencé de vaincre : & il faut achever d’abattre, tout ce qui pourrait s’opposer à nous. Que le nombre de nos Ennemis, ne vous espouvante point : car je puis vous assûrer, que nous leur allons estre plus