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au point que vous l’eſtes. Et puis, il y a long temps que vous l’avez, ſans qu’elle ait produit un ſi mauvais effet en voſtre eſprit. Les Livres, me repliqua t’il, ne ſont ſans doute pas mon chagrin : & ſi j’eſtois raiſonnable, ils m’en devroient pluſtost ſoulager. Ce n’eſt pas auſſi, luy dis-je, l’amour qui vous tourmente : car vous ne voyez perſonne qui vous en puiſſe donner. Concluez donc, me dit il en m’embraſſant, qu’il n’y a rien à dire ſinon que je me haï moy meſme ; que j’ay perdu la raiſon ; & que ſi mes Amis ſont bien ſages, ils me laiſſeront en repos ; & attendront du temps la connoiſſance ou la gueriſon de mon mal. Quoy, Seigneur, luy dis-je, Leontidas qui a pour vous une affection extréme, ſera traité comme les autres, & ne sçaura rien davantage de vous, que ce qu’en sçauroient vos Ennemis ſi vous en aviez ? Ha ! Seigneur, luy dis-je encore, il faut s’il vous plaiſt que vous agiſſiez d’une autre maniere : & pour vous teſmoigner que Leontidas le merite en quelque ſorte ; sçachez, Seigneur, que juſques icy je vous ay parlé comme un Eſpion, que le Roy qui veut sçavoir à quelque prix que ce ſoit, ce que vous avez dans l’ame vous a envoyé : Mais apres m’eſtre aquité de ma commiſſion inutilement, ce n’eſt plus, Seigneur, comme un Envoyé du Roy que je vous parle ; c’eſt comme un homme qui eſt reſolu de vous ſervir de ſa vie, ſi vous en avez beſoin : & de ne vous abandonner point abſolument, qu’il n’ait sçeu la cauſe de la melancolie qui vous poſſede. Car Seigneur, ſi cette melancolie n’en a pas, & que ce ne ſoit qu’un déreglement d’humeurs, il faut que je demeure icy, pour taſcher de vous divertir malgré vous : & ſi au contraire elle en a une, il faut encore que Leontidas vous y ſerve,