Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/554

Cette page n’a pas encore été corrigée

dit il, ſi je l’entreprends, & que je vous face voir, que jamais perſonne n’a rien tant aimé que je vous aime, que penſerez vous ? Je penſeray, dit elle, que vous ferez bien malheureux, d’avoir ſi fortement aimé une Perſonne qui n’eſt pas digne de cét honneur. Mais, reprit il, m’en aurez vous quelque obligation ? Je vous en plaindray, luy dit elle, & ſouhaiteray voſtre gueriſon, ou par l’abſence, ou par l’oubly. Ha ! cruelle Perſonne, s’eſcria t’il, ſouhaitez la plus toſt par voſtre compaſſion & par voſtre pitié : & promettez moy ſeulement, ment, que vous me donnerez le loiſir de vous perſuader, que je ſuis le plus amoureux des hommes. Ce ſeroit deſja eſtre un peu perſuadée, luy dit elle, que d’en uſer comme vous dites : c’eſt pourquoy (pourſuivit elle en marchant vers ſa petite Cabane) je ne veux plus vous eſcouter.

C’eſtoit de cette ſorte que Philoxipe paſſoit ſa vie : qui parmy beaucoup d’inquiétudes, n’avoit que quelques momens de plaiſir. Cependant il ne pouvoit durer à Paphos : & quand il y alloit, tout ce qu’il pouvoit faire eſtoit de voir ſeulement la Princeſſe Aretaphile, parce que le Roy l’y forçoit : mais il paroiſſoit ſi melancolique & ſi changé, qu’il n’eſtoit pas connoiſſable. Le Roy qui l’aimoit tendrement, en eſtoit en une peine extréme ; il cherchoit avec toute la Cour, la cauſe de ce changement, & ne la pouvoit trouver : il la luy demandoit à luy meſme, ſans en pouvoir tirer aucune connoiſſance : Philoxipe luy diſant touſjours que c’eſtoit une melancolie qui venoit ſans doute de ſon temperamment, & de quelque legere indiſposition. Mais, luy diſoit le Roy, la ſolitude ne guerit pas de ſemblables incommoditez & vous devriez n’aller plus tant à Clarie. Cependant cela continua touſjours ainſi : & meſme