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le ſien. Mais, luy repliqua Doride, vous aimez donc Philoxipe, puis que vous vous intereſſez en ſa gloire contre vous meſme. Policrite rougit à ce diſcours : & regardant Doride toute confuſe ; Si vous connoiſſiez mieux cette paſſion que moy, luy dit elle, je vous deſcouvrirois tous les ſentimens de mon ame, afin de sçavoir ce que j’en dois croire : mais je ne penſe pourtant pas que cette dangereuſe maladie ſoit dans mon cœur. Car s’il vous en ſouvient, nous avons entendu dire à Cleanthe, & nous avons leû plus d’une fois, que l’Amour fait perdre la raion ; qu’il donne cent peines & cent inquiétudes ; qu’il fait quelqueſfois commettre des crimes ; & graces au Ciel, je ne ſens encore rien de tout cela dans mon cœur. Il me ſemble que ma raiſon eſt aſſez libre ; & que la melancolie qui me poſſede eſt aſſez douce : car enfin je reſve bien ſouvent, il eſt vray : mais je reſve avec plaiſir : & quoy que je ne veuille pas aimer Philoxipe, il y a pourtant des momens, où je ſuis bien aiſe qu’il m’aime. Mais pour des crimes, bien ſoing d’en vouloir commettre, je vous proteſte ma Sœur, que quand il n’y auroit nulle autre raiſon que celle de ne vouloir pas perdre l’eſtime de Philoxipe ; je mourrois mille fois pluſtost que de faire rien d’injuſte. Vous jugez donc bien que craignant les Dieux ; qu’aimant la Vertu ; & voulant me rendre digne de l’affection d’un ſi Grand Prince ; je ne ſeray jamais rien contre la gloire. Je le crois ainſi, reſpondit Doride, Mais apres tout ma Sœur, vous vous abuſez quand vous ne croyez point aimer Philoxipe : car enfin vous n’aimez plus ce que vous aimiez avant ſa connoiſſance : Vous eſtes meſme un peu plus propre : Vous conſultez plus ſouvent