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pas à propos de vous reveler un ſi grand ſecret. Comme ils en eſtoient là, Cleanthe & Megiſto arriverent & interrompirent leur entretien : D’abord Philoxipe remarqua aiſement que ces deux Perſonnes avoient quelque inquietude de ſes viſites : c’eſt pourquoy il ſe reſolut de les faire un peu moins frequentes, de peur de ſe priver pour toujours d’un bien dont il pouvoit jouir quelquefois, Ainſi donc, Seigneur, Philoxipe apres une converſation aſſez courte, partit & s’en retourna non ſeulement à Clarie, mais à Paphos ; où auſſi bien le Roy luy avoit envoyé ordonner de ſe rendre : ne pouvant plus ſouffrir qu’il fuſt ſi long temps en ſolitude. Toutes les Dames & toute la Cour ſe plaignoient de luy, & ne pouvoient comprendre ces longues retraites : Le Roy luy donna alors encore de nouvelles marques de ſon effection, en luy donnant le Gouvernement de Cithere, qui vint à vaquer par la mort de celuy qui le poſſedoit. Il luy raconta ce qui luy eſtoit arrivé pendant ſon abſence, avec la Princeſſe Aretaphile ; & le conjura de luy parler toujours en ſa faveur. Car, luy dit ce Prince, cette Perſonne s’eſt mis dans l’eſprit de vouloir eſtre aſſurée de la Couronne de Chipre, avant que de me donner ſon cœur ; & je veux qu’elle me donne ſon cœur, auparavant que de luy donner une Couronne. Philoxipe promit au Roy de parler à Aretaphile : mais ce fut avec tant de melancolie, que tout le monde s’en aperçeut. Il reſvoit preſque touſjours : il diſoit une choſe pour une autre : il fuyoit la converſation : & s’en retournoit à Clarie, auſſitost qu’il le pouvoit.

Cependant Philoxipe trouva plus de reſistance qu’il n’avoit penſé, dans le cœur de Policrite : Car comme