Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/538

Cette page n’a pas encore été corrigée

Cour ? de quelque beauté que l’adorable Policrite ſoit pourveuë, je n’oſerois montrer les chaiſnes qu’elle me fait porter : & il faut les rompre avec violence, ou les cacher du moins ſi bien que perſonne ne les aperçoive jamais. Ce fut en cette reſolution que Philoxipe s’en retourna chez luy, & de là à Paphos : mais il y parût ſi mélancolique, qu’il fut contraint de feindre qu’il ſe trouvoit un peu mal le Roy qui le vit le ſoir meſme & chez luy & chez la Princeſſe Aretaphile, s’aperçeut de ſon chagrin, & le preſſa de luy en deſcouvrir la cauſe : mais Philoxipe luy dit, ce qu’il avoit dit aux autres. La Compagnie eſtoit grande ce ſoir là : & tout ce qu’il y à de beau à la Cour y eſtoit. Ce qui fut cauſe que Philoxipe dans ſes reſveries, ſe demanda cent & cent fois à luy meſme, pourquoy puis qu’il devoit aimer, ce n’eſtoit pas quelqu’une deces illuſtres Perſonnes ? Cependant bien qu’il vouluſt ſe faire quelque violence, & taſcher meſme d’aimer par raiſon & par force, il n’en pût jamais venir à bout : & l’image de Policrite eſtoit ſi fortement emprainte dans ſon cœur, que rien ne l’en pouvoit effacer. Il paſſa trois jours de cette ſorte, avec une inquietude extréme : & le quatrieſme il retourna malgré luy à Clarie, & de Clarie chez Cleanthe, qu’il rencontra d’abord appuyé ſur cette petite Paliſſade de Lauriers qui fermoit ſa court. Ce ſage Vieillard ne le vit pas pluſtost, qu’il fut au devant de luy : & le reçeut avec une civilité, qui n’avoit rien de ruſtique. Seigneur, luy dit il, j’avois creû que ma Fille s’eſtoit trompée, lors qu’elle m’avoit dit voſtre Nom : & c’eſt ce qui m’a empeſché d’aller recevoir vos commandemens à Clarie. Joint qu’un homme de ma fortune &