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il marcha, & arriva en un petit Vallon, ſcitué entre des pointes de rochers ; deſrobé à la veuë du monde ; & tout propre en effet à cacher un Threſor infiniment precieux. Il y a au fond de ce petit Vallon, une Prairie fort agreable : & ſur le panchant de ces Rochers, un petit Bois de Mirthes & de Grenadiers Sauvages, meſlez de quelques Orangers. Au pied de ce petit Bois eſt une Maiſon fort baſſe, mais aſſez bien entretenuë : Philoxipe en s’en aprochant, ſentit un redoublement d’inquietude eſtrange ; & fut preſque tenté de s’en retourner, tant il avoit de confuſion de ſa foibleſſe. Mais enfin l’Amour le pouſſant par force, il entra dans la court de cette Maiſon, qui eſt fermée d’une petite Paliſſade de Lauriers à hauteur d’apuy, qui ſont fort communs en noſtre Iſle. En ſuitte ayant veû une Porte ouverte, il entra dans une petite Chambre, auſſi propre que ſimplement meublée : dans laquelle il trouva la belle Inconnuë & deux femmes, qui faiſoient des Feſtons de fleurs, avec intention de les porter le lendemain au Temple, afin de les donner au Sacrificateur qui y demeuroit, pour en orner les Victimes d’un Sacrifice que l’on y devoit faire. Je vous laiſſe à juger combien cette jeune Perdonne deût eſtre eſtonnée, de voir entrer dans ſa Cabane un homme comme Philoxipe, qui eſt touſjours admirablement bien veſtu, & qui, comme vous sçavez, a la mine extrémement haute. Elle ne le vit pas pluſtost, que ſe levant avec precipitation, elle fit tomber toutes les fleurs qu’elle tenoit : de ſorte que par ce petit accident, elle donna lieu à Philoxipe de commencer ſa converſation par un petit ſervice qu’il luy rendit : ne luy eſtant pas poſſible de ne