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la belle Inconnüe ; qu’elle eſtoit encore beaucoup plus aimable qu’il n’avoit penſé ; qu’il sçavoit ſa demeure, & le Temple où elle alloit quelque fois. Cependant il la ſuivit des yeux autant qu’il pût : il marcha meſme quelque temps apres cette petite Troupe : mais enfin ayant honte de ce qu’il faiſoit : & s’en demandant la raiſon ; il s’en retourna ſur ſes pas, & s’en alla dans ſa Galerie : n’y ayant plus d’autre lieu en toute ſa Maiſon qui luy fuſt agreable que celuy là. Comme il y fut entré, , il ſe mit à ſe promener avec une inquietude qu’il n’avoit jamais ſentie : & bien loing de continuer d’avoir le deſſein de faire voir la belle Inconnüe à toute la Cour, pour la ſurprendre agreablement ; il fit ce qu’il pût pour prendre celuy de ne la revoir jamais luy meſme, tant cette ſeconde veüe avoit mis de trouble en ſon cœur. Pour cét effet, il ſort de ſa Galerie avec precipitation ; monte à cheval ; & s’en retourne à Paphos. Le Roy qui l’aimoit tendrement, & qui avoit autant d’amitié pour luy, que d’amour pour la Princeſſe Aretaphile ; ſe pleint de ſon long ſejour à la Campagne, & luy fait toutes les carreſſes imaginables. Il le prie en ſuite de voir la Princeſſe Aretaphile, parce qu’ils avoient eu quelque petit démeſlé enſemble : il le luy raconte, & luy en parle avec exageration : & enfin Philoxipe fait ce qu’il veut ; voit la Princeſſe ; & les remet bien enſemble. Mais quoy qu’il face, & où qu’il aille, la belle Inconnuë occupe toutes ſes penſées : il la conpare à toutes les Belles qu’il voit : & cependant ſoit qu’il regarde Aretaphile, Thimoclée, Agariſte, ou cent autres ; il ne voit que la belle Princeſſe de Salamis ſa Sœur, qui peuſt en quelque façon aprocher de ſa beauté : & encore croit il luy faire une ſi grande grace de ne mettre la belle Inconnuë