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d’arriver. Il ſe ſouvint alors de la guerre qu’on luy avoit faite dans ſa Galerie, & de ce qu’il avoit dit de cette Peinture que l’on avoit tant loüée : & prenant quelque plaiſir à s’entretenir ſur ce ſujet, que la Princeſſe Aretaphile, diſoit il en luy meſme, ſeroit aiſe ſi elle sçavoit ce qui m’eſt arrivée & quels reproches me ſeroit le Roy, s’il en eſtoit advert ! Ils diroient ſans doute que la Deeſſe a fait un miracle pour me punir, en me faiſant rencontrer une Fille de Vilage pour l’objet de mon choix. Mais, diſoit il un moment apres, cette Fille de Vilage eſt plus belle, que tout ce qu’il y a de beau à la Cour : & je me vangeray fort agreablement de toutes nos Dames, ſi je puis un jour la retrouver, & la leur faire voir. Il prit donc la reſolution de revenir de lendemain en cét endroit : & cependant de n’en parler point qu’il ne l’euſt retrouvée : parce que cela euſt paru un menſonge pluſtost qu’une verité, à moins que d’eſtre en pouvoir de faire voir cette Merveille.

Il s’en retourna donc chez luy : mais il s’y en retourna aſſez refueur. Comme il y fut arrivé, il fut droit à ſa Galerie : & ſe confirma ſi puiſſamment en la croyance qu’il avoit, que ſa Venus Uranie eſtoit le veritable Portrait de cette belle Inconnüe ; qu’il n’en douta plus du tout. Il comparoit tous les traits de cette Peinture, avec l’image qu’il avoit dans l’eſprit ſans y trouver nulle difference : ſinon que l’Original eſtoit encore beaucoup au deſſus de tout ce que Mandrocle avec tout ſon Art, en avoit pû repreſenter dans ſes Tableaux. Il luy ſembloit avoir remarqué ſur ſon viſage, un air de jeuneſſe beaucoup plus agreable ; une modeſtie beaucoup plus majeſtueuse ; & une douceur infiniment plus charmante.