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y repoſer. Car j’avois oublié de vous dire, que dés qu’il avoit approché des Rochers, il eſtoit deſcendu de cheval, & l’avoit laiſſé à ſon Eſcuyer, avec ordre de l’attendre, & de ne le future point.

Il marchoit donc ſeul le long de ces beaux Torrents, de qui la veüe & le bruit le faiſoient refuſer agreablement : lors que venant à lever les yeux, il vit à quinze ou vingt pas devant luy, une femme fort propre, quoy qu’avec un habillement fort ſimple ; qui eſtoit aſſise ſur une Roche couverte d’une agréable Mouſſe : & qui ſembloit prendre plaiſir à regarder attentivement ces chuſſes d’eau, qui venoient ſe briſer à ſes pieds, comme pour luy rendre hommage. D’abord Philoxipe eut quelque deſſein de ne troubler pas le plaiſir d’une Perſonne qui avoit cette conformité aveque luy, d’aimer à refuſer au bord de l’eau : & de ſe deſtourner un peu, afin de ne l’interrompre pas. Mais s’eſtant aproché un peu plus prés, & voyant que ſon habillement quoy que blanc & propre, n’eſtoit pas celuy d’une Perſonne de qualité : il marcha droit vers le lieu où elle eſtoit, parce que le chemin y eſtoit beaucoup plus aiſé que partout ailleurs. Mais comme il fut fort prés d’elle, le bruit qu’il faiſoit en marchant, ayant fait tourner la teſte à cette femme, il fut eſtrangement ſurpris, de voir non ſeulement la plus belle Perſonne du monde ; mais de connoiſtre encore parfaitement, que cette admirable Venus, qu’il avoit dans ſa Galerie ; & qu’il avoit touſjours creüe n’eſtre que l’effet d’une belle imagination, eſtoit le veritable Portrait de cette belle Perſonne. Philoxipe eſtonné & ravy de cette merveilleuſe apparition, changea de couleur : & ſalüant cette Fille avec plus de civilité que ſa condition ne ſembloit en devoir