Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/521

Cette page n’a pas encore été corrigée

s’eſleve juſques à la voûte de l’Antre qui la contient : & quelquefois s’abaiſſe auſſi, juſques à n’avoir plus que cinq ou fix pieds d’eſtendüe. Cette inegalité fait que la riviere de Clarie auſſi bien que toutes les autres de Chipre, parte pluſtost pour un beau Torrent que pour un beau Fleuve : quoy que cela ne ſoit pas poſitivement ainſi, car elle ne tarit jamais tout à fait, comme toutes les autres font. Depuis cette fameuſe Source, juſques à cinq cens pas de là, l’on voit des deux bords & du milieu de ſon lict, ſortir mille torrents d’eau, d’entre de gros cailloux que le temps, le Soleil, & l’humidité, ont peints de couleurs differentes, comme le Marbre & le laſpe. Quelques uns de ces Torrents, roulent avec impetuoſité : les autres jaliſſent avec violence : les uns grondent ; les autres ne font preſque que murmurer ; & tous enſemble faiſant des Montagnes d’eſcume, ſe loignent & ſe precipitent les uns ſur les autres, pour aller en diligence former à cent pas de là, l’aimable & belle Riviere de Clarie, qui patte à la Maiſon de Philoxipe dont je vous ay deſja parlé. L’on diroit Seigneur, s’il eſt permis de parler ainſi, que ſes eaux ont quelque joye, d’avoir quitté cet endroit penchant, inegal, & pierreux, qui leur fait faire de ſi belles Caſcades naturelles ; & qu’apres cette agitation tumultueuſe, elles ſont bien aiſes de couler plus lentement entre les Saules & les Prairies qui bordent ſes rives, au commencement de ſa courſe. Vous jugez bien, Seigneur, que Philoxipe ne choiſit pas un lieu deſagreable pour ſa promenade : auſſi à chaque pas qu’il faiſoit, il admiroit touſjours davantage la beauté de cette merveilleuſe Source : & ſembloit avoir quelque impatience d’y eſtre arrivé, afin de s’